Madame FMI en Turquie
La Turquie est un des pays les plus lourdement endettés auprès du Fonds monétaire international (FMI). Cette dépendance peut avoir des conséquences positives, par exemple lorsqu'il s'agit de décourager les crises des va-t-en guerre turcs en leur rappelant discrètement qu'il faudrait avoir les moyens de cette guerre, à moins de vouloir finir au niveau politique et économique de la Tanzanie... Mais parfois, lorsque les têtes pensantes (si l'on peut dire) du FMI donne des conseils économiques à un pays dont il ne semble pas connaître la réalité, il y a des commentaires "inspirés" qui font tiquer.
Hier, Anne Krueger, directrice générale adjointe de cette organisation, a déclaré que la Turquie devait "s'efforcer de réduire sa dette publique, faire reculer le chômage et le secteur informel pour consolider les bénéfices de la croissance spectaculaire survenue depuis la crise".
Jusque-là, rien à redire, c'est aussi l'objectif des critères d'entrée dans l'UE. Anne Krueger rappelle ensuite qu'en trois ans , "la Turquie est parvenue à abaisser de 90% à 63% le niveau de son endettement rapporté au PIB après avoir signé, en 2002, un prêt de 16 milliards de dollars (12,3 milliards d'euros) avec le Fonds".
Ce qui effectivement donne droit de semonces et de conseil au FMI, d'autant plus qu'un nouveau prêt (10 milliards de dollars) doit être examiné par le conseil exécutif du FMI. Donc madame Krueger y va de ses conseils (ou directives) pour la reprise de l'économie turque. "Domaines prioritaires: le secteur financier, les finances publiques et le marché du travail" et recommande aussi "d'abaisser le salaire minimum, aujourd'hui de l'ordre de 350 YTL (environ 260 USD ou 200 EUR)", "d'assouplir la législation, qui complique les licenciements", "figurent parmi les mesures dont dispose le gouvernement, selon elle. "Partout dans le monde, l'expérience prouve que lorsque vous imposez des salaires minimum assez élevés, vous découragez l'emploi", a-t-elle dit. "
Je n'y connais rien en économie, mais je pense qu'au FMI on vit dans un autre monde. "Abaisser le salaire minimum !" Dans les régions où le taux de chomage est le plus fort, le salaire minimum est effectivement d'environ 200€ par mois, que l'on soit serveur ou que l'on trime dans les champs de coton. c'est-à-dire 2 euros la journée, la journée allant de 8 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir. Or ce que l'on constate tout de suite, c'est que ce chiffre de 200 euros par jour ne semble pas avoir bougé depuis 2002. Le coût de la vie, lui, a augmenté de combien ?
Les statistiques officielles de la Turquie donne un taux de chômage de10,3% en Turquie pour 2,5 millions de demandeurs d'emploi. Inutile de dire que ces chiffres ne doivent pas trop correspondre à la réalité. Dans la région de Van, ce taux avoisine les 70%. Il y a des millions de réfugiés, venus du secteur paysan, qui se sont entassés autour des métropoles. La plupart des hommes n'ont pas d'emploi, ou de façon précaire. Les gosses ou les femmes travaillent souvent pour faire vivre leur famille (parfois il n'y a plus d'hommes pour cela). Ce que le FMI ne semble pas voir, c'est que le "cher Sud-Est" est un pays sinistré, dont l'économie paysanne a été détruit par la guerre, et qu'abaisser le salaire minimum (j'aimerais bien que madame Krueger essaie de faire vivre sa famille et elle-même avec 200 euros par jour en Turquie) ne servira à rien. Sinon à précariser et à affamer d'avantage le salariat masculin en âge de travailler. Le reste du temps, de toute façon c'est la sous-main d'oeuvre femmes/enfants qui est exploitée.
(source AFP)
(source AFP)
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