12 novembre 2005

Terrorisme d'Etat à Hakkari ?

D'abord annoncé comme un attentat du PKK par Reuters (qui comme l'AFP tire ses nouvelles de l'agence Anatolia en Turquie, c'est dire la fiabilité), il s'est avéré assez vite finalement, que la bombe qui a été jeté dans une librairie de Semdinli, au Kurdistan de Turquie, l'avait été par les forces de "sécurité" (sic) turques.

Les faits :

Le 9 novembre à 16h30, dans la ville de Semdinli, de la province de Hakkari, une voiture blanche s'arrête devant la librairie Umut. L'un des passagers jette une bombe, tuant une personne et en blessant grièvement une autre. Mais les auteurs de l'attentat sont rapidement cernés par des Kurdes autour, qui essaient de les faire sortir de la voiture. Les "terroristes" ouvrent alors le feu, faisant encore une victime et 4 autres blessés. Bon, on transporte morts et blessés à l'hôpital.

Suite au drame, un groupe de Kurdes veut lyncher un suspect. Il est annoncé par Anatolia-Reuters que cet homme est du PKK et a été suspecté de planter des bombes comme on plante des choux sur la frontière turoc-irano-irakienne. Le problème est que ce groupe de lyncheurs s'est presque aussitôt attaqué aussi à la police en lui jetant des pierres. Là on peut se demander pourquoi d'honnêtes citoyens "turcs" indignés par le terrorisme du PKK s'en prend immédiatement à la police...

L'explication est simple : C'est que les auteurs de l'attentat cernés dans leur voiture ont été sauvés par l'arrivée d'une voiture de police qui les a embarqués. Mais ils n'ont pas pu empêcher les habitants de Semdinli de mettre la main sur les trois AK-47 dans le véhicule et surtout, de trouver une carte d'identité d'un agent des services spéciaux de la Gendarmerie turque, un certain Ali Kaya, que l'on suppose être l'un des occupants de la voiture blanche. Esat Canan, un député du parti de l'opposition CHP, affirme que la voiture blanche de marque 'Dogan' avec un numéro de plaque commençant par '42' appartient à la police de Semdinli. Ce numéro indique que la voiture est immatriculée à Konya, en pleine Turquie centrale.

En plus de grenades et d'armes, les Kurdes, toujours en fouillant le véhicule laissé par les policiers, trouvent une valise, contenant des plans, des cartes, et une liste noire avec des noms de gens à abattre, tous considérés comme sympathisants du PKK. Naturellement figure parmi eux le propriétaire de la librairie, Seferi Yilmaz.

Sur les cartes, les Kurdes voient des marques à l'endroit d'une résidence militaire qui a été attaquée à la bombe le 1er novembre ainsi qu'une autre faite à l'emplacement de la librarie. Plus quelques détails sur la façon de procéder lors de ces opérations. Oui, il faut être crétin comme un gendarme turc pour se balader avec tout ça en voiture.

Car si l'on se souvient, la semaine dernière, dans cette même ville, une voiture avait explosé, devant le QG des forces de sécurité, blessant 23 personnes dont 16 civils et causant des dégâts matériels. Naturellement, le PKK avait été suspecté. Mais le sergent-major Ali Kaya (qui conduisait la voiture), et le sergent Özcan Ildeniz, ainsi qu'un autre gendarme, ont déjà avoué être les auteurs de l'attaque contre la librairie, et de celle du 1er novembre.

Le reste des documents trouvés dans la voiture montrent que ces deux agents se trouvaient à Semdinli le jour de l'attentat, en mission pour la gendarmerie de Hakkari. Deux autres noms figurent dans ces documents appartenant au JITEM, ceux d'officiers de gendarmerie qui auraient seraient donc impliqués dans l'attentat.

L'affaire commençant à sentir mauvais, le gouvernement turc promet d'enquêter sur ces attaques.

Ce qui n'empêche pas l'agitation à Semdinli. Près de 10,000 personnes se seraient ainsi rassemblées aux funérailles de victimes de l'attaque et des émeutes qui se sont ensuivies (source proche du PKK). Les slogans chantés accusaient clairement la Turquie : "Etat tueur", "Etat terroriste", ainsi que des soutiens à la guérilla.

Ce qui est certain, c'est que ce genre d'affaires ne peut que nuire au gouvernement de l'AKP. Le Premier ministre est devenu la bête noire des nationalistes depuis son fameux discours à Diyarbakir, où il a plaidé pour une résolution démocratique de la Question kurde. Depuis, les milieux nationalistes le stigmatisent comme pro-PKK. D'un autre côté, les Kurdes lui reprochent de ne pas avoir traduit concrètement sur le terrain la politique évoquée dans ses discours. "Personne ne peut attendre de protection ou de traitement spéciaux" a dit Erdogan. Nous ne laisserons personne fomenter sur le terrain un conflit entre l'Etat et sa population."

Du coup, la presse turque (très loin de soutenir les milieux bellicistes et nationalistes) rapprochent ce scandale de celui de Susurluk, qui avait montré une collusion entre les Forces de sécurité, des aghas locaux, des politiciens et la mafia. On accuse de nouveau ces Forces de sécurité d'exécutions sommaires, de rackets, de kidnapping, de trafic d'armes et de drogue.

Finalement, dans une interview dans Vatan, le procureur de Semdinli, Harun Ayik, confirme que l'homme qui avait failli être lynché par la foule, et que l'agence Anatolia relayée par Reuters avait décrit comme un suspect PKK, était bel et bien un membre des services secrets de la gendarmerie. Ce suspect par ailleurs nie toute implication dans l'affaire.


Détails et photos de l'événements chez Vladimir.

10 novembre 2005

Le prix Médicis Etranger à Orhan Pamuk

Le prix Médicis étranger a été attribué à Orhan Pamuk pour son dernier roman, Neige.

Par ailleurs, il doit passer en jugement le 16 décembre pour insulte à l'identité turque, en raison d'un entretien donné à un magazine suisse dans lequel il avait évoqué le massacre des Arméniens.

Il est également menacé d'un autre procès, pour avoir nui à l'image de l'armée turque dans le magazine allemand Die Welt.

09 novembre 2005

Fin du cessez-le-feu : les affaires reprennent

La Turquie a acheté environ 300 chars d'assaut à l'Allemagne. Selon le ministère de la défense turc, l'accord devait être signé hier.

Source: http://www.dawn.com/ via KBU News.