17 décembre 2005

La démocratie kurde passe par la Hollande Episode 4


Alors ce combat de coqs entre les Kurdes et les Turcomans?

A vrai dire c'était pas méchant mais les incidents étaient regrettables car ils sont nécessairement préjudiciables à l'une des parties, sinon aux deux. Certains médias étaient d'ailleurs au rendez-vous et ont probablement fait état de ces affrontements. Les Kurdes étant largement majoritaires, des centaines contre une trentaine, ils passent forcément pour les méchants. Notre groupe était proche des Turcomans mais nous n'avons ni répondu aux provocations, ni pris part aux affrontements.

En fait au départ les Turcomans étaient plutôt passifs, on aurait dit qu'ils étaient venus simplement pour faire acte de présence. En face d'eux, les Kurdes étaient particulièrement agités mais ils ne faisaient qu'exprimer leur joie en chantant et en dansant. En tout cas à ce moment-là je n'ai vu aucune provocation, ni des uns ni des autres. C'est lorsque d'autres jeunes sont venus renforcer les rangs des Turcomans que j'ai senti les événements prendre une autre tournure. Quant à ces nouveaux venus, je doute fort de la "turcomanité" de certains d'entre eux. Je reviendrai sur ce point un peu plus tard...

Ces jeunes sont arrivés avec des drapeaux turcomans et se sont livrés à une démonstration de force qui n'a pas plu à certains jeunes Kurdes car leurs propos étaient agressifs. Le changement d'attitude des Turcomans qui étaient déjà là était nettement perceptible. Se sentant un peu plus forts, ils se sont mis eux aussi à adopter un ton agressif. Et en toute honnêteté, à ce stade, je n'ai senti aucune agressivité significative chez les jeunes Kurdes. Ils étaient bien trop occupés à danser comme des fous et laissaient éclater leur joie.

Et les provocations ont commencé. Des jeunes Kurdes se sont alors mis à crier encore plus fort "Kurdistan, Kurdistan..."et à brandir leurs drapeaux devant le nez des Turcomans, certains tenant les propos "Kirkuk est le coeur du Kurdistan" etc... Et les Turcomans de répondre en brandissant à leur tour leurs drapeaux et en chantant fort en turc. Ensuite il y a eu un concours du plus grand drapeau .Là les Kurdes ont sorti un drapeau qui pouvait recouvrir tout le groupe des Turcomans.




A un moment un incident un peu plus grave s'est produit entre un jeune Kurde et une femme turcomane. Personnellement je l'ai vue (la femme) tirer les vêtements du jeune Kurde. D'autres prétendent, je ne peux absolument pas confirmer, qu'elle l'aurait giflé. En tout cas le jeune en question s'est enflammé et a voulu se venger sur un jeune Turcoman. A ce moment là deux personnes d'un certain âge sont intervenus, un Kurde et un Turcoman pour calmer les esprits.
Ils ont réussi. Mais le répit était de courte durée malheureusement. Et les provocations ont repris de plus belle.

Les policiers étaient présents autour de la foule mais ils ne sont pas intervenus car la situation n'était pas si grave que ça. Néanmoins ils se tenaient prêts à intervenir si les circonstances exigeaient leur intervention.

Nos jeunes Turcomans ont donc continué à parler fort, toujours en turc, en levant le poing en l'air. Certains faisaient aussi des gestes bizzares. La provocation prenait un autre aspect.
Le copain kurde de Turquie dont j'ai parlé plus haut, celui que j'ai connu à la Fac de Bordeaux en 2002 et qui nous a accompagné, m'a traduit certains propos de ces jeunes. Il est né en Turquie et a fait ses études à Istanbul (ou Ankara peut-être). Il parle donc parfaitement la langue turque. Il était très choqué par certains propos et m'a dit qu'on pouvait entendre exactement les mêmes choses dans les rangs du MHP en Turquie! Il m'a dit aussi que certains de ces jeunes parlaient le turc avec un accent alors que d'autres le parlaient parfaitement, ces derniers étaient justement quelques-uns de ceux arrivés "en renfort".

Ne parlant pas le turc, je ne suis pas en mesure de comparer deux accents, mais lui était certain qu'il y avait parmi ces Turcomans des Turcs.

Les seuls mots que j'ai moi entendu avec certitude dans leurs propos sont les mots : "Kurde","Kirkuk" et "Ataturk". Je sais j'ai encore des progrès à faire en turc! Mais qu'est-ce qu' Ataturk venait foutre là dedans?! J'ai également vu, là encore avec certitude, un petit drapeau turc sur la manche du blouson de l'un des jeunes, un petit costaud, un mini rugbyman très agité!
Bon ok, tout ça ne prouve rien, c'est probablement un jeune Turcoman qui aime la Turquie et qui est un partisan inconditionnel du "Grand" Ataturk. Après tout c'est son droit...

Pourquoi alors certains de ces jeunes (une dizaine) ne sont pas aller voter? Alors que leurs camarades se sont dirigés vers les urnes, eux sont restés sur place et n'ont pas fait un pas en direction du bâtiment. Ils étaient pourtant largement majeurs! Alors pourquoi ne pas avoir voté??! Les "méchants" Kurdes les auraient-ils empêchés?? Avaient-ils oublié d'apporter une pièce d'identité peut-être?? Ou plutôt ils n'avaient justement aucune aucune pièce d'identité leur donnant le droit de voter à ces élections...

Coté kurde aussi la provocation est montée d'un cran. Ils continuaient de narguer les Turcomans avec leurs drapeaux en chantant ey reqîb . Puis des jeunes Kurdes ont pris le grand drapeau dont je parlais plus haut et ont fait un ou deux tours complets autour du groupe turcoman, un peu comme les Indiens autour du feu! Ensuite ils ont décidé de passer en plein milieu d'eux, recouvrant tout le groupe du drapeau kurde. Là des Turcomans (des Turcs?) ont sauté en l'air pour s'emparer du drapeau. C'était la dernière éteincelle, l'explosion s'est produite! Mais je vous assure, la bombe était de faible puissance...

La démocratie kurde passe par la Hollande Episode 3

Après que tout le monde eut fini de voter, nous nous sommes donc rassemblés et avons décidé de partir visiter la ville d'Utrecht par petits groupes. On s'est donné rendez-vous au "Centraal Station" pour 14h30.

Certains ont alors pris les transports en commun, d'autres, plus courageux, ont marché jusqu'au centre ville. C'est vraiment une belle ville et les gens sont très accueillants et souriants. Et qu'est-ce qu'elles sont grandes les Hollandaises!!

Nous avons beaucoup marché. J'avais plus peur de me faire renverser par un cycliste que par une voiture. Il y avait des vélos partout et la ville est très bien équipée en pistes cyclables.
Alors pourquoi autant de vélos? Est-ce que c'est un moyen de transport plus pratique et plus économique pour se déplacer dans cette ville ou alors les Hollandais sont-ils plus soucieux que nous de l'avenir de la planète? Je pense que c'est les 2 à la fois mais les Hollandais semblent beaucoup plus écolo que nous! (Sans aucune connotation politique). D'ailleurs j'ai aperçu au loin un parc éolien.

Bref, nous avons bien visité le centre ville. Certains ont profité de l'occasion pour envoyer des cartes postales dans un petit bureau de poste, d'autres sont allés manger dans un kébab turc, d'autres encore sont allés prendre un petit café dans un petit Pub.

Vers midi nous avons fait demi-tour pour revenir à "Centraal Station". Il nous a fallu pas moins de 45 minutes de marche pour revenir au point de rendez-vous! Mais j'ai 2 explications à ça : d'abord le centre ville était assez loin du lieu de vote, d'autre part les femmes et les filles nous ralentissaient. Comme on est très gentlemen, nous avons marché à leur rythme pour ne pas les perdre ...

Et nous arrivons à "Centraal Station". Il est environ 1h00 pm.Le spectacle est grandiose!!! Des Kurdes partout, ils chantent, dansent au rythme du dohol u zirna, le drapeau vert, blanc et rouge frappé d'un soleil est omniprésent,c ertains jeunes sont complètement hystériques! La "déception" de la matinée est déjà oubliée, cette même place qui était vide le matin est désormais noire de monde!



Je vous assure que ça réveille la fibre patriotique!!

Il nous restait environ 2 heures avant d'aller rejoindre notre car pour retourner en France. Personnellement je n'étais plus pressé de reprendre la route. J'ai savouré chaque instant. Certaines images étaient particulièrement fortes, notamment cette vieille dame kurde qui tenait à peine sur ses jambes et que 2 jeunes (ses petits-enfants?) accompagnaient vers le bureau de vote, ou encore tous ces bus qui arrivaient d'autres villes de Hollande ou de Belgique pour déposer des Kurdes à "Centraal Station". Des drapeaux kurdes étaient exposés sur leurs vitres, voire sur leur pare-brise pour les bus à étage.

Au milieu de la foule (kurde) , on pouvait appercevoir un ou deux drapeaux iraquiens. J'ai vu peu d'Arabes et les peu qui étaient là étaient chiites.

Puis à l'écart,un petit groupe de Turcomans (ou Turkmènes?). Ils brandissaient timidement leur drapeau bleu turquoise frappé d'un croissant et d'une étoile. Leur drapeau a certaines similitudes avec le drapeau turc.Il faut dire qu'à ce moment là ils étaient très peu, moins de 10 personnes. Plus tard d'autres jeunes les ont rejoint, une quinzaine de personnes peut-être. En tout,et avec les enfants, ils devaient être une trentaine. Une certaine tension était perceptible entre eux et les Kurdes. Je sentais bien que la situation allait se dégrader. Et c'est malheureusement ce qui s'est produit.

16 décembre 2005

La démocratie kurde passe par la Hollande, Episode 2

"Notre chauffeur est donc parti garer son car dans le parking qui lui était reservé et où il a pioncé pendant des heures! Franchement il le méritait bien,c'est très fatiguant de conduire la nuit.

Quant à nous, nous nous sommes dirigés vers le bureau de vote.Il n'y avait presque personne, quelques Arabes chiites, 6 ou 7 maximum. Ils collaient des petites affiches pour la liste 555, je crois bien. Ils nous ont salué. Sur certains murs, il y avait des affiches de la liste de L. Allawi(731). Mais aucune affiche pour la liste kurde et aucun kurde dans les parages, à part nous.

Honnêtement, sur le coup j'étais un peu déçu de ne voir personne et je me suis même demandé à un moment si le déplacement valait la peine. Nous nous sommes quand même dirigés vers l'entrée du bâtiment pour aller voter. Le bâtiment en question était en fait soit un gymnase, soit un parc d'exposition. Il était assez grand. Deux couloirs étaient aménagés, d'une longueur de 100 mètre chacun environ. L'un des couloirs devait être emprunté pour entrer dans le bâtiment, l'autre pour le quitter.

Nous nous sommes donc présentés devant le couloir d'entrée et avons subi un premier conrôle, notamment le détecteur de métaux et un contrôle d'identité. Cette étape franchie, on devait se diriger vers l'entrée du bâtiment où un 2ème contrôle était prévu. Il fallait ici éteindre les portables et les confier à une personne qui nous remettait un numéro, pour pouvoir les récupérer après le vote. D'ailleurs une personne de notre groupe n'a pas pensé à aller récupérer son portable et une fois sortie, il ne pouvait plus retourner dans le bâtiment. Il a eu beau protestéer, le NON était catégorique. On devait égalemnt déposer nos sacs.

Puis un 3ème contrôle, encore une fois le détecteur de métaux.

Enfin nous arrivons devant 2 personnes qui donnent des numéros à chaque électeur, des numéros allant de 1 à 20, je crois.Ces numéros correspondaient en fait aux stands, je pense que c'était pour éviter des embouteillages. J'avais le numéro 15 et je me suis donc dirigé vers le stand correspondant à ce numéro. Là j'ai vu 4 ou 5 personnes qui attendaient les électeurs. On m'a souhaité la bienvenue et prié de me présenter devant la première personne. C'était une jeune fille kurde, elle m'a demandé une pièce d'identité et posé quelques questions. La 2ème personne,encore une femme, a indiqué mes nom, prénom, date et lieu de naissance sur un registre. Enfin une 3ème personne, un Arabe (sunnite?chiite?) m'a dit quelque chose mais je n'ai rien compris ! Il m'a demandé en anglais si je parlais l'arabe.J e lui ai répondu "No I don't, sorry". Il avait l'air surpris par ma réponse. Je pense qu'il a dû souvent entendre "no sorry"!
Mais il avait une bouille sympathique. Il m'a demandé de signer un document et expliqué comment le vote allait se dérouler. Il m'a ensuite remis 4 grandes feuilles contenant les noms et numéros de chaque liste. Puis je me suis présenté derrière un isoloir de fortune mais très efficace. La liste pour laquelle j'ai voté figurait sur la dernière feuille (je vous laisse deviner laquelle...))

Enfin le moment fatidique, la présentation devant l'urne. On devait prendre uniquement la feuille sur laquelle figurait la liste pour laquelle on avait voté.Or chaque feuille était tellement grande qu'il a fallu la plier en 4 pour pouvoir la mettre dans l'urne !

C'est encore une femme, une Hollandaise peut-être, qui s'occupait de cette étape. Elle m'a demandé de mettre mon doigt dans une fichue encre violette que j'ai toujours du mal à faire partir...grrr... Une fois mon doigt bien dégueulasse, elle m'a demandé de mettre le bulletin dans l'urne. Je venais de voter pour la première fois de ma vie en tant que "citoyen iraquien".

Alors que je prenais la sortie du bâtiment pour entrer dans le couloir de sortie, une femme m'a interpelé pour me poser quelques questions en anglais. Elle était observateur(trice)international(e). Elle voulait savoir d'où j'étais originaire, si j'avais rencontré des problèmes particuliers, si j'étais content d'avoir voté (what a question!), avec combien de personnes j'étais venu etc...C'était une charmante petite dame...

Et puis je suis sorti par le long couloir pour rejoindre les autres. Quelques uns étaient déjà sortis mais toujours pas de Kurdes en masse à l'horizon. Nous avons attendu que tout le monde ait fini pour discuter ensemble du programme de la journée, car notre chauffeur dormait profondément dans son bus pendant ce temps là. Nous avons tous fini de voter vers 09h00. Il fallait donc trouver une occupation jusqu'à 15h00. On ne pouvait quand même pas rester sous la pluie et le froid."

(La suite..)

La démocratie kurde passe... par la Hollande, récit d'un périple électoral, épisode 1

L'OFK vous livre en feuilleton le récit d'un vaillant électeur kurde, parti du sud de la France pour aller voter...

"Je n'étais pas au courant du tout de ce voyage en Hollande. Sachant qu'on ne pourrait pas voter en France, nous avions prévu d'aller en Belgique en voiture pour voter. Et puis j'ai reçu un coup de fil le dimanche ou lundi dernier d'un ami kurde qui est sur Paris et qui m'a informé qu'un bus était prévu pour ceux qui voulaient aller voter aux Pays-Bas. Il m'a informé par la même occasion que la Belgique non plus n'organisait pas le scrutin. Comme le bus était "gratuit",vous imaginer que je n'ai pas hésité une seconde.

J'ai appris plus tard que d'autres familles de cette ville avaient été informées de ce voyage et que certaines personnes étaient intéressées par la démarche. J'ai d'abord pensé que c'est l'Institut ou une association qui avait financé le transport. En fait ce n'était pas le cas. Le bus a probablement été financé par les 2 partis, car un nombre impressionnant de bus a pris la direction de Utrecht ces derniers jours. Et tous étaient décorés de drapeaux kurdes et du fameux chiffre 730.J e ne vois pas quelle fondation ou association aurait pu assurer un tel financement. Et il ne faut pas oublier que des dizaines de bus sont également partis d'autres pays comme l'Angleterre,l'Allemagne, le Danemark,la Suède etc... Mais perso ça ne me dérange pas plus que ça je préfère que l'argent soit utilisé dans l'intérêt collectif qu'à des fins purement personnelles.

On nous a alors donné rendez-vous à Paris devant l'Institut kurde le mardi vers 23h30!! Moi je suis venu à Paris en début d'après-midi car je devais voir des amis et passer aussi à l'Institut. Les autres, une quinzaine de personnes, nous ont rejoint vers 21h00. Il restait encore environ 2h30mn à attendre dans le froid de Paris! Et puis cet ami qui m'avait appelé la veille,et qui est proche d'un parti politique, nous a "gentiment" invité à aller attendre dans les locaux de son parti (le KDP). Ce que nous avons fait.

A 23h00 nous avons repris le métro pour nous rendre rue Lafayette.En arrivant devant l'Institut nous avons rencontré d'autres Kurdes qui attendaient eux aussi le car dans le froid. Ils étaient gelés les pauvres! Vers 23h30 toujours pas de car et un autre groupe de kurdes est arrivé, une quinzaines d'étudiants de Paris. Parmi eux un kurde de Mahabad(Kurdistan iranien) que j'avais jamais vu et à ma grande surprise un ami kurde de Turquie que j'avais rencontré à la Fac de Bordeaux en 2002! Ils voulaient venir nous soutenir. Même si je savais qu'ils ne pourraient pas voter,c'était un plaisir de les voir avec nous.

Et puis le car est arrivé vers minuit et nous avons pris la route pour la Hollande,un long trajet qui allait durer près de 7 heures. Nous étions environ 40 personnes,nous avons vraiment beaucoup rigolé.Le chauffeur s'est arrêté 2 ou 3 fois pour une petite pause-café et pour les fumeurs en manque de nicotine !

Vers 7h00 du matin nous étions à Ultrecht ,notre ville de destination. Le chauffeur, qui ne connaissait pas la région, devait nous déposer au "Centraal Station". Il s'est trompé pas mal de fois et s'est arrêté au moins 5 fois pour demander de l'aide aux passants. A un moment il a apercu 2 policiers et s'est encore arrêté pour leur demander de nous indiquer la direction de "centraal station". Les policiers lui ont répondu "vous y êtes, c'est ici" ! En fait ces policiers étaient justement là pour assurer la sécurité du lieu de vote. Notre car était le premier de la matinée et les policiers nous ont demandé de descendre là car notre bus devait aller attendre sur un parking prévu à cet effet et gardé par d'autres policiers. Le chauffeur nous a dit qu'on devait le rejoindre vers 15h00 car il ne pourrait reprendre le volant avant.Et il est allé dormir dans son car ...

Il était pas encore 8h00 et on devait donc attendre jusqu'à 15h00 avant de reprendre la route !"

(La suite...)