L'explosion tant redoutée s'est donc produite mais n'a pas eu de conséquences significatives. Je pense que ça aurait pu être beaucoup plus grave. Les Kurdes qui portaient le grand drapeau que les Turcomans (Turcs?) ont arraché de leurs mains sont devenus fous de rage! Et comme les Turcomans étaient déjà fous de rage de voir un drapeau kurde leur passer au dessus de la tête, la bombe à retardement ne pouvait qu'exploser. Des coups sont alors tombés de part et d'autre. Un policier était près de nous, le groupe français.Je l'ai vu hésiter à intervenir. Sentant que la baston pouvait se généraliser, il a immédiatement appelé des renforts. A ce moment là notre groupe a décidé spontanément de s'éloigner un peu de la scène car on avait peur que beaucoup de policiers arrivent en renfort et que certains d'entre nous soient embarqués alors qu'on avait un bus à prendre 30 minutes après.
Et les forces de l'ordre sont arrivées très rapidement. En quelques minutes, il y en avait partout ! Avant que les renforts n'arrivent, ça cognait encore ici et là. J'ai vu un jeune à terre en train de se prendre des coups mais je ne sais pas s'il était Kurde ou Turcoman (ou Turc). Plus loin un jeune Turcoman (un Turc?) avec un petit drapeau bleu turquoise autour de la tête. Il avait pris des coups et voulait absolument se venger alors qu'un policier tentait de le maîtriser. D'autres encore se tenaient par le col mais n'arrivaient pas à se frapper car d'autres essayaient de les séparer.
En tout cas avec l'arrivée des policiers en renfort la situation s'est un peu apaisée car ils ont réussi à séparer les deux groupes. Je ne les ai pas vus procéder à des arrestations, c'était surtout une force d'interposition. Il y avait toujours des tensions mais aucun affrontement physique. Et c'est à nouveau les provocations verbales. Les Turcomans s'exprimaient toujours en turc. Un moment ils se sont mis à crier très fort:"la ilaha ilala, Mohammed rasulala !" Après Ataturk, voilà nos jeunes Turcomans nous réciter ce qui semble être des versets du Coran!
Là je ne comprenais plus rien! En fait ça me faisait rire plus qu'autre chose.
Tout d'un coup une voiture est arrivée à vive allure. Une vieille MBW immatriculée en Belgique. A bord un jeune garçon, une jeune fille et une ado aussi à l'arrière je crois. Elle s'est arrêtée en plein milieu d'une rue très fréquuentée qui passe devant "Centraal Station".Et le garçon est sorti de sa voiture. Rien ne permettait de dire s'il était Kurde ou Turcoman jusqu'à ce qu'il commence à faire des fuck en direction des Kurdes. Les policiers lui ont demandé de retourner dans sa voiture car il emmerdait les autres automobilistes qui se trouvaient du coup bloqués par sa voiture. Il s'en est alors pris à un policier, raison pour laquelle il s'est retrouvé dans l'un de leurs fourgons. Mais je ne sais pas s'il s'est fait embarquer par la suite car il était environ 14h45 et on a dû partir rejoindre notre bus. Il nous a fallu près de 20 minutes de marche pour arriver au parking. Sur notre chemin j'ai vu 5 ou 6 bus garés le long de la route. Je crois qu'ils venaient d'arriver pour déposer des électeurs car j'ai vu des gens en sortir et se diriger vers "Centraal Station". Par contre ils étaient un peu loin et j'ai pas pu regarder la plaque d'immatriculation de leurs bus pour savoir d'où ils venaient.
Et puis nous avons apperçu notre bus. Il était garé sur un parking dont l'entrée était gardée par deux policiers. Sur ce parking, d'autres bus attendaient leurs passagers. Un peu moins de dix. Nous sommes montés dans notre car, direction Paris. Plus de 7 heures de route! En repartant, notre bus devait passer devant "Centraal Station". En passant, nous avons vu les mêmes scènes, toujours des provocations et la police toujours présente pour empêcher tout nouveau dérapage.
Le retour m'a paru plus long. J'étais vraiment crevé et n'avais qu'une envie, dormir! Faut dire que la nuit de notre départ pour Utrecht je n'avais pas dormi. Et puis j'avais pas mal marché dans la journée. J'ai essayé de dormir dans le bus mais c'est pas facile. Aussitôt que je fermais les yeux je me prenais la tête contre une vitre !
D'autres en revanche étaient en pleine forme, notamment des étudiants kurdes de Paris qui ont plusieurs fois chanté au retour. Il y en avait aussi un qui imitait les hommes politiques. Tout le monde était plié de rire quand il a imité Bachar El Asad ou encore Nesrîn Berwarî et son mari ! Par contre il a très mal imité notre Jacko national car il avait un français très approximatif (un boursier du gouvernement français).
Un autre, qui devait avoir 60 ans environ, avait lui aussi la pêche! Il racontait des blagues, riait comme un fou.
Moi j'étais cuit! J'avais même plus la force de sortir pour les pauses-café. Un vrai légume!
Le bus s'est arrêté deux fois au retour.Une fois en Belgique et la deuxième fois à 100 km de Paris.
Nous sommes arrivés à Paris vers 22h15. Le chauffeur devait nous déposer devant l'Institut Kurde, rue Lafayette. Environ quinze d'entre nous n'étaient pas de Paris, dont moi.Nous avons alors demandé au chauffeur de nous déposer directement devant la Gare de l'Est en espérant que le dernier train de la soirée n'était pas parti. Sinon nous aurions passé la nuit dans cette Gare. Et oui nous avions encore du chemin à faire avant d'arriver chez nous. Nous avions de la chance car le dernier train de la soirée pour notre ville partait à 22h30 je crois. Nous avons juste eu le temps d'acheter tous nos billets train et de sauter dans un wagon.
Notre train est arrivé à destination vers 00h30. Nous avons alors récupéré nos voitures qu'on avait laissées à la gare et chacun est parti chez soi. Je suis arrivé chez moi un peu avant 01h00 du matin. Il me restait tout juste assez de force pour aller prendre une douche. Quelques minutes pluartd j'étais sous la couette, avec le sentiment du devoir accompli et la tête pleine de bonnes mais aussi de quelques mauvaises images.
Mais c'était important et il fallait le faire. Je ne regrette absolument pas de l'avoir fait.Et si c'était à refaire, je le referais sans hésiter...