14 mai 2005

A chacun son film, à chacun sa guerre

D'un esprit totalement opposé à celui de Michael Moore sur la guerre en Irak, Hiner Saleem et son film Kilomètre Zéro déclenchent des réactions vivement hostiles mais très prévisibles de la part "anti-guerre" : pour Azeddine Mabrouki, dans al Watan, c'est "un film de pure propagande qui tire sur tout ce qui n’est pas kurde, notamment sur tous les Arabes en Irak ou ailleurs."... Alors que selon le même, le documentaire de Moore et ses scènes controversées avec ses images enjouées de l'Irak sous Saddam, ne mérite pas ce qualificatif, mais celui de "travail mémorable, "opus astucieux". Le Guardian parle sans nuance d'un film "pro-guerre" : "George Bush and Tony Blair will whoop for joy. A strongly pro-war film has been premiered at the Cannes film festival - and it comes from Iraq."

La même interview de Hiner Saleem dans le Guardian est par ailleurs publiée en français dans l'Humanité, où Hiner Saleem réexplique sa position, (assez largement partagée par les Kurdes) devant les manifestations anti-guerre en Irak : "en 2003 je ne comprenais pas la position de la France. J’étais choqué, bouleversé car je ne pouvais pas parler. Lorsque mes héros crient leur liberté, ils sont absolument seuls. Je crains que ce soit prémonitoire pour l’Irak et pour les Kurdes. J’étais contre Saddam Hussein, ce qui ne veut pas dire que je suis pro-américain. J’ai trop souffert de ce discours manichéen. En 2003, les Kurdes ont enfin un peu d’espoir."

13 mai 2005

Des militants kurdes arrêtés en Syrie

"Des membres du parti kurde de Syrie Yekitî ont été arrêté", a déclaré Hassen Saleh, le dirigeant de ce parti, sur la chaîne de télévision Al-Arabiya.

Yekitî est le parti kurde syrien le plus actif. Il a inauguré un mode de protestation inhabituelle dans ce pays, depuis 2003, en organisant des manifestations publiques pour réclamer la régularisation des milliers de Kurdes de Jezireh privé de leur nationalité en raison d'un plan d'arabisation de la frontière orientale syrienne. En mars 2004, l'agression de supporters kurdes dans la ville de Qamis,lo par des milices baathistes déclencha une vague d'émeute et de protestation dans toutes les régions kurdes, ainsi qu'à Alep. Des centaines de Kurdes avaient alors été arrêtées, que le président syrien Bachar al Assad venaît de relâcher, le 30 mars dernier. Selon Hassan Saleh, une centaine de Kurdes reste par ailleurs emprisonnée.

Il a aussi mentionné la disparition d'un dignitaire kurde musulman, le cheikh Mohammed Maashouq al-Jaznawi, dont on est sans nouvelle depuis deux jours à Damas (les enlèvements et exécutions extra-judiciaires sont fréquentes en Syrie, surtout depuis les événements du Serhildan.


11 mai 2005

LesAméricains envoient à nouveau bouler les Turcs au sujet de Qandil

Via KBU, cette dépêche de Peyanmer, relatant les propos d'un officier américain en Turquie, John Kunstadter, répondant aux critiques turques sur le fait que son pays ne fait rien contre les camps du PKK au Kurdistan du sud.

John Kunstadter a répondu que les montagnes de Qandil (près d'Amadiya où réside le camp principal du PKK en Irak) sont un terrain trop difficile pour les soldats américains, qu'ils avaient fait de leur mieux pour atteindre Qandil et les bases du PKK, mais qu'ils avaient échoué....

"Vous, les Turcs, qui murmurez que nous, les Américains, ne faisons rien contre le PKK, vous ne vous rappelez pas que votre propre armée, en 1997, a fait tout ce qu'elle a pu pour franchir la passe de Qandil mais que les conditions très dures d'accès l'ont arrêtée ?"

A vrai dire, on peut douter que les Américains aient simplement essayé... se battre à Qandil, avec la guérilla du sud de l'Irak sur les bras ? Les Américains, au contraire, poussent depuis 2, 3 ans la Turquie à négocier une amnestie et permettre aux combattants de rentrer chez eux (ce à quoi la Turquie se refuse obstinément) et encourage le PKK en Irak à se changer en parti politique (avec l'appui du gouvernement kurde local). Ils ont déjà réussi, après plusieurs mois de négociations, à ce qu'Osman Öcalan se retire du combat et fonde son propre parti, le PWD, à caractère" uniquement politique". Mais permettre, via l'amnestie, aux anciens combattants de la guerilla, de revenir en Turquie serait le plus sûr moyen de démanteler le PKK en Turquie, alors voilà, peut-être n'y tient-elle pas tant que ça. Les gens de la guerilla gardent leur prestige pour les Kurdes. Sans doute leur influence, s'ils revenaient dans la vie civile, nuirait aux marionnettes du DEHAP et aux nouveaux cadres du PKK, plus pressés de faire des affaires avec la mafia que de défendre les droits des Kurdes.

Sur cette page, des photos prises en 2004 du camp de Qandil.

09 mai 2005

Où l'on reparle du serment

Sur l'affaire du serment tronqué, Fadhil Miran, un haut responsable du PDK a déclaté au journal kurde Peyamner.com :

“Nous [le Gouvernement régional du Kurdistan] avons été surpris par la façon dont le serment a été prêté dans le cabinet d'Ibrahim Jaafari. Lors de la conférence de l'opposition (tenue à Londres quelques mois avant l'attaque américaine sur l'Irak), aussi bien que dans la Loi provisoire d'administration et dans les accords entre l'Alliance du Kurdistan et l'Alliance chiite, nous nous étions unis autour sur la définition de l'Irak: un Irak fédéral, démocratique et avec un gouvernement multipartiste.”

“D'après les informations que nous en avons eu, nous avons appris avec tristesse que le serment a été changé peu de temps avant la réunion.”

“Ce changement, selon moi, n'est pas sans raison, mais a été fait de façon délibérée. Cela implique que le gouvernement irakien n'adhère plus à cette idée d'un Irak férédal et démocratique. Or, si l'Irak n'est ni fédéral ni démocratique, il reviendra à l'époque du gouvernement de Saddam, ce que nous, les Kurdes, ne pouvons accepter,” a déclaré Mirani.

Dans Peyamner.com, Mirani blame les Kurdes plus encore que les chiites, en critiquant les députés kurdes, et les ministres “Nos 8 ministres et nos 77 députés, ainsi que le Président (Jalal Talabani), le suppléant du Premier Ministre et celui du Porte-parole au Parlement, qui étaient présents, n'auraient pas dû accepter cela. Ils auraient dû alors, de même qu'au parlement, exprimer leur mcontentement et changé le texte du serment. Au moins, nos ministres n'auraient jamais dû prêter de serment ainsi modifié. Malheureusement cela n'a pas été le cas."

Mirani demande que “le serment au parlement soit rectifié et que l'on reprête serment. Une enquête parlementaire devra être faite pour trouver les responsables de cette modification.” Et il ajoute avec humour qu'après avoir corrigé le texte du serment, les députés kurdes devraient en garder une copie dans leur poche juste au cas où les chiites le transformeraient encore durant la nuit !

08 mai 2005

21 blessés dans l'attentat d'Erbil soignés en Turquie

21 des blessés dans l'attentat de mercredi à Erbil ont été envoyés pour y être soignés à Ankara, à bord d'un avion turc, tandis que 5 autres étaient envoyés en Iran. Le ministre de la santé du Kurdistan, Jamil Abdel Hamid a remercié les autorités turques. Ces blessés souffrent en effet de fractures et de brûlures graves alors que les hôpitaux d'Erbil sont insuffisamment équipés pour ce type de soin. L'annonce avait été déjà lancée par le ministre turc des Affaires étrangères, qui avait offert son aide directement à Massoud Barzani, le chef du PDK. Ce même ministre a déclaré que "Ankara est prêt à offrir une main secourable au peuple irakien frère et ami dans quelque domaine que ce soir."

Le PDK a toujours eu d'assez bonnes relations avec l'Iran, et ce très souvent au détriment du PDKI (le parti kurde iranien). Mais au moment où la Turquie connait un petit prurit de nationalisme et masse des troupes sur la frontière, sans doute pour viser le PKK, cette offre est-elle un geste de détente, semblable à celui, spectaculaire, de la Grèce envoyant des équipes de secours à Istanbul après le tremblement de terre de 1999 ? Est-ce le premier pas d'une coopération qui sous couvert d'action humanitaire, aiderait les Turcs à revenir dans la région, dont ils ont perdu le contrôle depuis leur refus de laisser passer les troupes américaines sur leur sol en 2003 ?

Cela peut être aussi une volonté de distinguer les problèmes et les relations turco-kurdes : d'un côté, avec les Kurdes d'Irak qu'il va falloir peu à peu reconnaître comme un partenaire politique tout en restant, d'un autre côté, intransigeant sur la question de l'élimination voulue du PKK...

Il est à noter d'ailleurs que la question du génocide arménien a chassé de la Une des journaux turcs l'hostilité envers les Kurdes qui s'était manifestée un peu partout depuis l'incident du drapeau turc, brûlé le jour du Newroz par trois gamins. Aujourd'hui, les éditorialistes des grands journaux turcs débattent surtout avec achernement et passion les moindres points de détail du "génocide/pas génocide", ce qui permet de détourner l'attention des nationalistes du problème kurde. Finalement, le pugilat autour de la reconnaissance de ce génocide pourrait permettre aux Kurdes de souffler un peu en Turquie...